Les deux entreprises devront désormais convaincre les investisseurs, mais le groupe Altice est déjà fortement endetté…
Les yeux plus gros que le ventre ? Numericable et Altice vont se financer à hauteur de 10 milliards d’euros sur les marchés via une émission obligataire avec des titres de créances à « haut rendement » pour absorber SFR après avoir remporté leur bras de fer face à Bouygues Telecom à coup de 13,5 milliards d’euros – le plan prévoit également l’octroie de 20% du capital de la nouvelle structure à Vivendi, actuel propriétaire de la société. A défaut d’une augmentation de capital, c’est donc à un emprunt géant que les firmes de Patrick Drahi vont se soumettre. Pour y parvenir, la poire a été coupée en deux : 6,04 milliards d’euros pour le câblo-opérateur, contre 4,15 milliards pour sa maison-mère. Face à l’ampleur de la tâche, une partie des obligations seront cependant libellées en dollars pour faciliter les souscriptions auprès des investisseurs, le tout supervisé par JP Morgan et Goldman Sachs.
Mais avec autant de dettes supplémentaires, le rachat de SFR suscite de nombreuses questions. Arnaud Montebourg, alors encore ministre du Redressement productif, déclarait début avril que « cela pose de nombreux problèmes, c’est une petite entreprise qui va lourdement s’endetter pour réaliser cette acquisition » [en savoir plus : Arnaud Montebourg sera vigilant sur les conséquences de la cession de SFR à Altice / Numéricable, ndlr].
Car l’enjeu sous-jacent au rachat de l’opérateur au carré rouge dépasse largement le secteur privé des opérateurs et touche la capacité de la France à adopter et investir les futurs réseaux à très haut débit, des infrastructures pour lesquelles l’hexagone a déjà pris du retard et qui pousse à la concentration dans le secteur des télécoms pour affronter les futurs coûts. Résultat, le marché est en pleine ébullition : le Britannique Vodafone a récemment acquis l’Espagnol Ono à la mi-mars pour plus de 7 milliards d’euros, alors qu’il avait déjà englouti l’Allemand Kabel Deutschland quelques mois plus tôt.
Bouygues Télécom lui-même, après sa tentative échouée de mettre la main sur SFR avec qui un accord de mutualisation des réseaux avait été signé, pourrait se tourner vers d’autres opérateurs pour assurer son avenir. Un rapprochement avec Free – Iliad serait prêt à racheter l’opérateur pour 5 milliards d’euros, là où Bouygues en demanderait 8 milliards – ou Telefónica serait même à l’étude selon les informations circulant dans la presse [lire notre article dédié], même si Martin Bouygues s’est refusé à le confirmer dans sa récente interview accordée au Figaro.
Au niveau des Etats, même son de cloche. David Cameron et Angela Merkel ont annoncé le mois dernier, à l’occasion de leur présence au CeBIT à Hanovre (Allemagne), une conférence dédiée au Big Data et au cloud, que l’Allemagne et le Royaume-Uni travailleraient main dans la main, plusieurs universités à l’appui, pour le développement de la 5G [lire notre article : Le Royaume-Uni veut s’allier avec l’Allemagne et injecte 50 millions d’euros, ndlr].
L’emprunt colossal de 10 milliards d’euros par Altice et Numericable présente dès lors un risque car si les deux sociétés ont su convaincre le Conseil de surveillance de Vivendi d’accepter leur offre, ils devront désormais séduire les investisseurs en démontrant qu’ils seront en mesure, après nouvelle dette, de disposer encore d’une marge de manoeuvre financière suffisante pour mener à bien les investissements requis pour satisfaire les demandes futures des consommateurs. L’agence de notation Moody’s elle-même semble dubitative soulignant que l’effet de levier entièrement consolidé du groupe Altice est « élevé » avec une dette actuelle estimée entre 5 à 5,5 fois l’Ebitda. Si l’agence a augmenté la notation de Numericable, elle a abaissé celle d’Altice. Les deux obligations restent cependant toutes deux en catégorie « junk bond » – littéralement « obligation pourrie » – c’est à dire à haut risque.
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Et pourquoi Bouygues avait réellement besoin de racheter SFR?
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