Apple débarque dans le streaming, Spotify et Deezer vont-ils faire face?
«Ça se passera demain!», a lancé Doug Morris, le PDG de Sony au Midem à Cannes, confirmant qu’Apple s’apprête à annoncer aujourd’hui, à l’occasion de sa Worldwide Developers Conference, un service d’écoute de musique en streaming. Si l’offre exacte n’est pas encore connue, la firme de Cupertino devrait proposer un abonnement à 9,99 dollars par mois, en ligne avec le marché. Un lancement qui survient un an après le rachat de Beats, la marque fondée par Dr Dre – qui comprend notamment le service Beats Music – pour 3 milliards de dollars, et qui permet à Apple de se positionner sur un marché où se battent les pures players de la musique, Spotify en tête.
L’enjeu est de taille: plus de dix ans après le lancement d’iTunes qui a bouleversé l’achat de musiques en ligne, Apple ne veut pas perdre la main en s’adaptant aux nouveaux usages. En 2014, la musique en streaming a généré 1,87 milliard de dollars de revenus aux Etats-Unis, soit plus que les disques physiques pour la première fois, selon la RIIA (Recording Industry Association of America). Et en mai, la Warner Music annonçait avoir gagné davantage avec le streaming qu’avec les ventes en téléchargement.
Spotify met le cap sur les contenus
La firme de Tim Cook devra cependant se faire une place parmi les acteurs qui occupent déjà le terrain et qui se préparent depuis longtemps à son arrivée. Spotify, le premier d’entre eux, aurait ainsi bouclé une nouvelle levée de fonds de 350 millions de dollars en mai, histoire de prendre un peu d’oxygène avant l’arrivée d’Apple. Sur le plan commercial, la société aux 60 millions d’utilisateurs et 15 millions d’abonnés payants, a également lancé une offre à 0,99 euro les trois premiers mois pour accélérer sur l’acquisition de clients.
En matière de stratégie-produit, Spotify a opté pour l’élargissement de son offre de contenus comme angle d’attaque. Le Suédois annonçait ainsi en mai qu’il mettait le cap sur les contenus dédiés à l’univers musical avec l’arrivée des clips vidéos – pour retenir les utilisateurs contraints de jongler avec YouTube pour les visionner – et des podcasts recommandés sur la base des habitudes d’écoutes des utilisateurs. Pour alimenter le catalogue, des partenariats ont été noués avec plusieurs groupes de médias, comme la BBC ou ESPN. Et à l’heure du sport connecté, «Running Originals», un service qui diffuse des chansons en adéquation avec le pas de course des joggers, a également vu le jour.
Derrière ces initiatives, un objectif commun: retenir les utilisateurs le plus longtemps possible sur Spotify, plutôt que les laisser utiliser d’autres services. «Nous voulons que Spotify vous accompagne dans votre vie en vous proposant une offre encore plus large de divertissement avec un mélange de musique, de podcasts et de vidéos qui vous sont livrés tout au long de votre journée», déclarait ainsi Daniel Ek, le PDG et fondateur.
Deezer pari sur l’éditorial et tente le haut de gamme
C’est peu ou prou la même stratégie qu’a adoptée le Français Deezer qui annonçait, le même mois, l’arrivée des podcasts. «Deezer doit devenir l’ultime destination pour toute écoute audio et proposera une programmation faite sur mesure pour chaque utilisateur», déclarait Hans-Holger Albrecht, le PDG de la société qui revendique 16 millions d’utilisateurs actifs dans le monde, dont 6 millions d’abonnés payants. Une stratégie que l’entreprise française avait préparé bien en amont, notamment avec le rachat en octobre 2014 de Stitcher, une start-up californienne éditant une application d’écoute de radios et de podcasts qui compte plus de 12 000 fournisseurs de contenus.
Et alors que l’entreprise assure que plus de la moitié des écoutes concerne des œuvres locales, le groupe français a travaillé à enrichir son catalogue auprès de labels locaux, notamment pour obtenir des exclusivités ou des avant-premières. Le tout en prenant garde d’améliorer ses algorithmes de recommandation musicale pour la fonction «Flow», la pépite tricolore ayant d’ailleurs doublé ses effectifs liés au Big data. Deezer a aussi mis le cap sur l’éditorial. Aujourd’hui une cinquantaine de salariés sont dédiés à la production d’articles ou au tournage des «Deezer Sessions», où des artistes se produisent en direct depuis les studios de l’entreprise.
Deezer tente aussi de monter en gamme dans le streaming en commercialisant, depuis mai, en partenariat avec Sonos, l’offre Deezer Elite qui promet «un son en très haute qualité, équivalent à celui du CD en format FLAC (Free Lossless Audio Codec) à 1411 kbps». Pour ce service, les utilisateurs doivent débourser 19,99 euros par mois, après une période d’engagement au tarif réduit, soit près du double que la formule classique. Pour toucher toujours plus de clients potentiels, Deezer, qui travaille déjà beaucoup avec des opérateurs télécoms (dont Orange, l’un de ses actionnaires), discute aussi avec des constructeurs automobiles, probablement pour intégrer son service, même si rien de significatif n’a encore été conclut, à part quelques opérations avec BMW ou Mini.
D’autres acteurs se sont également positionnés sur le marché, comme le service Tidal, lancé en fanfare en mars par Jay-Z aux côtés d’une myriade d’artistes actionnaires comme Beyoncé, Daft Punk ou même Madona.
Google en embuscade ?
Si Apple semble arriver bien après – Spotify a vu le jour en 2006, Deezer en 2007 -, il faut rappeler que le groupe américain dispose d’atouts et de moyens hors du commun pour bousculer le marché. Au-delà de son savoir-faire marketing, et du relais médiatique sans équivalent dont jouissent ses keynotes, la firme à la pomme a une force de frappe commerciale: la base d’utilisateurs d’iPhone qui détiennent déjà d’un compte sur iTunes ou l’App Store et de données de paiement déjà renseignées. Rien qu’au premier trimestre, 74 millions d’iPhone ont été écoulés dans le monde. Enfin, rappelons qu’Apple dispose d’une trésorerie de 178 milliards de dollars selon Moody’s ce qui lui offre, potentiellement, la possibilité de casser les prix pour percer.
Apple n’est cependant pas le seul géant du Web a se pencher sur le streaming musical. Discrètement, Google s’est positionné sur ce marché avec l’ouverture, en novembre, de YouTube Music Key, qui repose sur YouTube, sa filiale de partage de vidéo en ligne qui est aussi largement utilisée pour écouter de la musique en ligne. Si les lignes évoluent rapidement suite à l’arrivée d’Apple, Google pourrait décider de ne pas rester aussi longtemps les bras croisés.
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Pourquoi aucun de ces articles ne parle de Google play musique, le Spotify de Google qui est très bien ? Google n’a pas que Youtube.